J'ai adopté des vampires !

 

C'est vrai !

Ils ont les canines qui ressortent...

Ils mangent de la viande crue

Ca leur fait pousser les dents...

Il leur arrive de dormir étendus raides sur le dos. Avouez que la position est évocatrice... Celui là n'avait pas trouvé de cercueil...

Ils volent !

Ils vous guettent dans l'ombre...

Après quelques temps, on remarquere qu'ils dorment le jour dans les coins sombres...

pour ne s'activer qu'à la tombée de la nuit

 

Ils longent les murs silencieusement...

 

Ils ont parfois des yeux bizarres...

 

Ils ont d'étranges lectures...

Ils s'approchent de vous sournoisement...

Pour... vous léchouiller les pieds !!!

OUI ! La lumière est faite sur cette évidence, les preuves sont là, irréfutables :

A force de manger du carné votre furet se transforme en VampRire !

 

En fait la croyance du furet buveur de sang est quasi ancestrale et encore persistante de nos jours. Est-ce dû à leurs canines qui ressortent ? Au sang des lapins tués au hasard des chasses ? A leur propention à mordre ? Aux yeux rouges et troublants du furet albinos ?

On trouve des traces de cette légende de "vampirisme" dans des ouvrages des 18 et 19e siècle :

"Lorsqu'on présente un lapin, même mort, à un jeune furet qui n'en a jamais vu, il se jette dessus et le mord avec fureur ; s'il est vivant, il le prend par le cou, et lui suce le sang"

Jean Goulin (1728-1799) - "Abrégé de l'histoire naturelle à l'usage des élèves de l'école royale militaire" - 1777

 

"Tout le monde sait que le Furet est très estimé pour la chasse aux lapins qu'il force à sortir de leurs terriers ; parfois il les saigne sur place."

Jean Crespon - Faune méridionale ou Description de tous les animaux vertébrés vivants et fossiles, sauvages ou domestiques du Midi de la France - 1844

 

"Il a pour le lapin une si grande antipathie, qu'il ne peut voir cet animal mort ou vivant, sans se jeter dessus. On profite de cette disposition du furet pour l'employer à la chasse du lapin. On le musèle et on le place à l'entrée d'un terrier de lapin ; ceux-ci effrayés se sauvent, et on les prend ; le furet les poursuit hors du terrier et revient à son maître. Si on n'avait pas la précaution de le museler, il sucerait le sang des lapins qu'il pourrait atteindre, s'endormirait au fond du terrier, et serait perdu."

François Leuret - Anatomie comparée du système nerveux considéré dans ses rapports avec l'intelligence - 19e siècle

 

En fait, le furet comme le putois tue ses proies en leur brisant la nuque. Il n'a pas le temps de s'amuser à leur pomper le sang à la gorge tout en empêchant la bestiole de gigoter le temps que le trépas arrive... Par contre, une fois morte (la mort est instantannée) le repas commence par le cou. Ceux qui donnent des poussins à leurs furets savent que c'est généralement la tête qui est mangée en premier. Si la proie est plus grosse que lui, il la prendra plus volontiers au cou mais là plus qu'ailleurs il n'aura pas le temps de la "saigner", il faut être rapide et efficace si l'on veut manger.

Lors de la chasse au lapin dans les garennes, le but n'est pas que le furet tue le lapin mais seulement qu'il le fasse sortir du terrier. En général, sa seule odeur, ou le bruit d'un grelot accroché à son cou, suffit à faire détaler les lapins qui seront attrapés ou tirés par les chasseurs sitôt sortis. Si à tout hasard le furet en attrape un, ce qui est tout de même relativement rare, alors il l'attrapera probablement au cou (un lapin est plus gros qu'un furet) et, quelle que soit la manière de la mise à mort, s'il y arrive, commencera à le déguster par là pour peu qu'il ait faim. Si les chasseurs, voulant récupérer leur furet, creusent le terrier, ils retrouveront leur animal prêt d'un lapin à la gorge plus ou moins entamée. Ca ne fait pas de lui un buveur de sang malgré les apparences qui pourraient le faire croire... ce qui a été probablement le cas d'ailleurs.

Le furet mange de la viande (du carné), pas du sang.

Le débat fait rage entre les propriétaires de furets qui donnent des croquettes et ceux qui donnent du carné (proies, morceaux de volaille et de lapin, barf). Je ne vais pas le refaire ici, juste taire la peur encore persistante chez beaucoup : "si je donne de la viande à mon furet ça va lui donner le goût du sang !" ou "il va se mettre à mordre !" - Non. Votre chat qui revient au petit matin de sa chasse nocturne ne vous saute pas à la gorge pour vous mordre sauvagement, le furet que vous nourrissez au carné non plus. Evidement, si vous vous amusez à mettre les mains dans sa gamelle ou sur son repas alors qu'il mange, vous risquez d'y laisser quelques doigts, au même titre que déranger un chien qui mange. Sorti de ça votre furet ne deviendra jamais un monstre sanguinaire par le seul fait d'avoir mangé ce pour quoi il est conçu, en carnivore strict qu'il est : des proies, de la "carne", tout au plus se montrera-t-il un poil plus vif et énergique ce qui ma foi est plutôt bon signe quant à sa santé.

 

Aller, un dernier extrait qui vaut son pesant de cacahuètes. M. Toussinel se laisse un peu emporter

(1853) Le FURET

Je ne crois pas qu'il soit très habile de dire beaucoup de mal d'une bête qui s'est rallée à nous. C'est pourquoi j'ai mieux aimé renvoyer à l'article " fouine ", que garder pour l'article " furet " les observations générales que j'avais à faire sur les moeurs peu édifiantes de la famille des buveurs de sang. Il est d'une sage politique de voiler les turpitudes de ses amis, sauf à s'indemniser de sa réserve sur le compte de ses ennemis.

Le furet, malgré sa couleur blanche, est la bête noire du lapin, et réciproquement. Il a été créé dans l'intérêt de l'espèce humaine, pour opposer une barrière aux envahissements du lapin, que sa fécondité excessive eût bientôt fait maître du globe. Le laboureur n'a pas de plus grand ennemi que le lapin.

L'éducation du furet ne coûte pas des peines infinies. Il suffit, pour bien faire, de l'abandonner à ses impulsions naturelles, qui le conduisent tout droit au terrier du lapin. Il entre, fouille les galeries, y met le désarroi, en expulse tous les habitants. Son idée fixe est d'en acculer un dans une impasse ; et s'il parvient à ce résultat, si l'on n'a eu soin de le museler, de bien le faire manger avant la chasse, il égorge sa victime, et lui suce le sang, jusqu'à ce qu'il en soit ivre ; et comme il s'endort aussitôt qu'il est repu, force est bien d'attendre son réveil pour recommencer le fouillage. Une éventualité non moins désastreuse de la chasse au furet est la rencontre imprévue d'un blaireau ou d'un renard dans un terrier de lapins. Le furet, en ce cas, court grand danger de s'endormir du sommeil éternel.

Qui dit furet dit chasse au lapin. Il sera ajouté quelques détails sur la chasse au furet à l'article " lapin ".

Je ne puis pas aimer une bête qui appartient à la tribu des buveurs de sang, une bête insatiable, cauteleuse et fétide. Cependant je ne saurais m'empêcher d'avoir un peu de reconnaissance pour le furet, et de lui savoir gré de son obéissance à l'homme ; car la déférence du furet pour l'homme est d'autant plus méritoire que rien ne le forçait à solliciter notre alliance, qu'il pouvait s'en passer mieux qu'aucune autre bête, et qu'il a, en définitive, plus perdu que gagné à la domestication. En effet, le furet a toujours soif de sang, sang de lapin, sang de pigeon, sang de poulet. Or il vit parmi ces espèces ; il les entend roucouler, chanter, trottiner à ses côtés, tout le long du jour, sans pouvoir franchir l'obstacle qui le sépare d'elles. Sa vie n'est qu'un long supplice de Tantale, et son maître, comme pour activer l'ardeur de ses regrets et de ses désirs, le nourrit presque exclusivement de laitage. Le sort de la martre et de la fouine dans les bois et dans les granges est incontestablement plus doux.

La domestication du furet est, à mon sens, une des plus glorieuses démonstrations de la légitimité des prétentions de l'homme au titre de souverain absolu du globe, car c'est l'hommage que vient déposer à ses pieds une des tribus les plus farouches du globe, et des plus réfractaires à toute autorité.

Mais quand la série des félins (lions, tigres) et celle des serpents elle-même, étaient contraintes par la volonté d'en haut de se raller à l'homme, au moyen de leurs derniers anneaux (chat privé, couleuvre domestique), il était de toute impossibilité que la série des égorgeurs de sang demeurât en dehors de la loi générale. La série des égorgeurs s'est donc humanisée avec les autres, et elle a détaché le furet auprès de l'homme pour le servir en qualité de " fouille-lapin ". On m'a assuré plusieurs fois que la fouine et le putois, entraînés par l'exemple du furet, avaient cherché à se rapprocher de l'homme. Je n'en serais pas surpris.

Nous sommes trop disposés, tous tant que nous sommes, à oublier les services des bêtes, depuis que nous avons perfectionné les armes à feu, qui nous permettent de nous passer un peu de leur concours. Il est donc convenable que ceux qui ont conservé le souvenir des misères et des difficultés des époques primitives rappellent aux oublieux les devoirs de la gratitude. Le furet fut utile aux jours du débordement du lapin ; respectons cette page de ses mémoires. Aujourd'hui, que l'oisiveté l'a fait ivrogne, gourmand, dormeur, joueur et voleur, il n'est plus que l'emblême du valet de grande maison : ivrogne, fainéant, corrompu, débaucheur de jeunesses ; mais la domesticité personnelle elle-même, si honteuse qu'elle soit devenue, picotait sur le dévouement et l'honneur, aux premiers jours de la féodalité.

Ce furet, qui boit le sang du lapin et s'enivre, quand on oublie de le museler… c'est le Frontin du grand seigneur, qui boit tout le chambertin de son maître quand celui-ci a oublié de fermer la porte de la cave !

Toussenel, Alphonse (1803-1885). L'esprit des bêtes : zoologie passionnelle : mammifères de France

 

 

Non les furets ne sont pas des vampires. Ou alors ils cachent bien leur jeu !

 

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